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Enfants de Still

Les progrès obtenus avec la publication des décrets du 12 décembre 2014, notamment sur le plan du cursus des études et de l'agrément des écoles ne suffisent pas à relâcher la vigilance. La supplique de Still avant sa mort reste totalement d'actualité : Keep it pure Boys, keep it pure.

"Nos" mains ne nous appartiennent pas ...

 

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J'imagine l'expression, ou plutôt les expressions diverses des lecteurs de ce titre. Du genre : "décidément parmi les enfants de Still, il y en a qui ne sont vraiment pas clairs" ! Être ostéopathe et commettre ce genre de sortie, voilà qui dénote un état d'esprit plutôt étrange pour ne pas dire plus. Nos mains ne nous appartiennent pas ! Et puis quoi encore ?

Mais en même temps je me rassure, car je sais qu'il s'en trouvera sûrement quelques uns pour ne pas s'inquiéter de cette formule, voire pour lui accorder une certaine approbation. Quelques uns et quelques unes aussi, avec lesquels j'ai passé il n'y a pas si longtemps que ça, quatre jours des plus agréables et des plus enrichissants. Bien sûr il n'est pas question de remettre en cause que nos mains constituent, avec plus ou moins de confiance, plus ou moins solidement, le prolongement de nos membres dits supérieurs, à la fois parce qu'ils sont situés en haut mais aussi parce qu'ils nous permettent de "prendre en mains" notre destin et que sans ce lien nous ne serions sans doute pas très à l'aise dans la vie quotidienne et à fortiori encore moins à l'aise dans l'exercice de notre pratique professionnelle tout aussi quotidienne.

En quoi peut-on avancer ce que certains peuvent être tentés de qualifier d'énormité: "nos mains ne nous appartiennent pas".

Elles constituent à coup sûr notre première relation au monde. Dès le séjour utérin, elles nous servent à contacter le monde, notre monde, celui que nous sommes à ce moment là, ne faisant qu'un avec les parois qui nous contiennent(1), dans cette unité materno-fœtale que la naissance va remettre en cause de façon définitive mais probablement sans y parvenir jamais complètement.

Le complexe-mère décrit par Jung en étant probablement l'ultime subsistance et cela peut-être jusqu'au dernier souffle.

Puis elles nous servent, ces mains, progressivement, à prendre conscience de cette notion de différence, de séparation d'avec les objets et les personnes qui nous entourent. Elles constituent sans doute le premier instrument, et le plus efficace, de construction de l'ego. Et dans ce temps là, sans aucun doute, n'avons nous aucune propension à envisager seulement qu'elle pourraient ne pas nous appartenir ! 

Mais si elles servent d'abord à nous faire prendre conscience de ce qui est différent, de ce qui est autre, elles acqièrent aussi avec le temps, la faculté de nous renseigner sur les qualités de cet autre que nous contactons, d'abord de façon grossière avec un contact ordinaire, chaud, froid, rugueux, lisse, dur, mou,(encore que tout ceci fait déjà référence à une connaissance antérieure) etc, puis d'appréciation plus nuancée et coloré d'affect, agréable, désagréable dans un contact qui se prolonge un peu ou se reproduit et procure à la sensation initiale une charge de connaissance ou de reconnaissance qui lui confère le statut de perception. Le but n'étant pas ici de faire la part des choses entre sensation et perception on peut se reporter à cette présentation de l'ouvrage de Merleau Ponty : Phénoménologie de la perception

Le projet est de tenter une justification à cette déclaration : "Nos mains ne nous appartiennent pas".

Cette formule empruntée à Kobayashi Sensei s'applique particulièrement bien à notre pratique ostéopathique quand celle-ci a bien pris conscience que la démarche est avant tout basée sur l'écoute, c'est à dire la prise en compte de l'autre tel qu'il est et non pas tel qu'on voudrait qu'il soit. En cela nos mains deviennent l'autre le temps qu'il faut pour être en mesure de l'accompagner dans l'espace ou se situe, en quelque sorte, sa réserve de guérison.

Kobayashi Hirokazu exprimait dans ses cours quelque chose d'analogue en disant : « Il faut d'abord donner, donner toujours, et puis recevoir ».

Quel plus beau cadeau que celui d'un tissu qui se libère, qui reprend vie après avoir été guidé simplement dans les bonnes directions par ces mains qui ne nous appartiennent pas.

AA

(1)Le génie du fœtus-Jean-Marie Delassus-Dunod

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