19 Mai 2010
Cette petite phrase en forme d'aphorisme dont je serais bien incapable de dire qui l'a prononcée le premier, était la favorite de notre ami Franck, disparu en 1993. Je l'ai adoptée depuis longtemps, car elle me semble, dans son imprécision, pouvoir recouvrir tout notre monde d'un bon sens qui se fait trop rare.
Nous subissons depuis des décennies cette accélération incessante que traduit la course au profit dans sa poursuite de l'inutile.
La seule chose opposable à cette forme de démence que la société nous impose, la seule résistance possible, c'est la lenteur. Alors quelle n'a pas été m'a surprise, bienheureuse surprise, en découvrant aujourd'hui dans le numéro 34 de la revue "le nouveau consommateur", revue de bonne qualité au demeurant, un article consacré à la "slow attitude". En anglais ça sonne tout de suite mieux n'est-ce pas ?
Associé à tous les domaines de notre quotidien, de la nourriture au vêtement, du transport au management, du voyage à la sexualité, slow devient le préfixe "modeux" d'anglicismes revendiquant tous un autre rapport au temps.
C'est sûr, je ne sors pas assez pour ne pas m'être aperçu plus tôt qu'il existait un mouvement pour essayer de merchandiser la lenteur, mais manifestement ça existe.
Ainsi, j'apprends l'existence du slow-wear, ça, on se demande un peu quelles en sont les caractéristiques, du slow-food, là on se dit que manger lentement c'est bien meilleur pour la santé, quant au slow-sex, on se demande qui, à part les lapins, pouvait prendre plaisir au fast-sex. Enfin la slow-mode va tenter de nous apprendre, moyennant un minimum d'investissement, tout ce que l'on peut faire lentement avec profit, ou plutôt non, disons avec agrément, le profit étant pour les promoteurs du slow-movement.
Sans doute est-il plus que temps de s'apercevoir qu'à vouloir gagner du temps on en perd, comme le dit Paul Morand, cité par la revue "le nouveau consommateur". Faut-il pour autant payer pour ça ? c'est une autre question qu'il appartient à chacun de résoudre, sans se précipiter, car le monde avec lenteur marche vers la sagesse s'il faut en croire Voltaire. Le monde je ne sais pas, mais je n'en démords pas, le secret est dans la lenteur.
Alain Quiet